lundi 10 août 2015

Dans la ville d’or et d’argent ( extrait du chapitre 36, le dernier de l'oeuvre )



   Hazrat Mahal est désormais prisonnière. Elle ne se fait aucune illusion sur « l’hospitalité » offerte par le maharadjah. […]
   Désormais, les uniques visites au bungalow sont celles de Jang Bahadour, Hazrat Mahal les tolère, malgré son mépris pour l’homme, car c’est l’occasion d’avoir des nouvelles, même s’il prend plaisir à ne lui rapporter que les mauvaises.
   Ainsi fin août apprend-elle que le procès de Jai Lal se poursuit… Depuis plus d’un an ! (…) Elle ne comprend pas pourquoi les juges prolongent cette mascarade : ils n’ont aucune intention de gracier l’un des principaux chefs de l’insurrection, mais le rajah est admiré dans tout le pays, l’exécuter serait vécu par tous comme l’assassinat d’un héro de l’indépendance. Il faut trouver un moyen de le salir et, jusqu’à présent, les témoignages obtenus sont trop contradictoires pour être convaincants.
   … Mon djani… pourvu qu’ils ne t’aient  pas torturé…
[…]
   Un jour arrive la nouvelle que Hazrat Mahal redoute depuis longtemps : le rajah Jai Lal Singh a été exécuté.
[…]
   A peine dans sa chambre, la jeune femme s’est effondrée. Contre toute raison elle avait gardé l’espoir que Jai Lal ne serait condamné qu’à la captivité, qu’il réussirait à s’enfuir ou qu’un mouvement populaire lui ouvrait les portes de la prison… Elle n’arrive pas à croire qu’elle ne le reverra plus. Jang Bahadour lui a peut être menti… Jai Lal, mon djani… Elle porte la main à sa poitrine, elle suffoque…
[…]
   Les hivers népalais sont rudes et la santé de Hazrat Mahal commence à s’en ressentir. Mais c’est surtout l’exil qui la mine. En 1863, le gouvernement britannique lui a de nouveau offert de rentrer aux Indes, à condition que son fils signe sa renonciation au trône. Une fois de plus, elle ne s’est pas donnée la peine de répondre.
   Birjis Qadar est devenu un jeune homme réfléchi et déterminé. Il a hérité de la force morale de sa mère. Il se prépare, sachant qu’un jour il rentrera dans son pays.
   Les Indes sont en train de changer. Les Britanniques ont rétabli leur autorité.
   Mais quoi qu’ils fassent, l’insurrection a semé des graines qu’avant de mourir Hazrat Mahal aura le bonheur de voir germer.
[…]
   De Katmandou, Hazrat Mahal suit avec attention tous ces événements. Bien qu’isolée et appauvrie, elle reste une reine infiniment respectée. Malgré ses faibles ressources, jamais elle ne refuse la charité à qui vient la solliciter.
   Le 7 avril 1879, celle que les Anglais appelaient  « l’âme de la révolte » s’éteint, à l’âge de quarante huit ans, après avoir fait promettre à son fils de continuer la lutte.

   La petite Muhammadi, la poétesse du Chowq, l’épouse de Wajid Ali Shah, la jeune régente, l’amante passionnée, la souveraine éclairée, le chef de guerre intrépide enfin, Hazrat Mahal fut comme une apparition fulgurante dans l’Histoire.
   Elle a tracé la voie de la libération des Indes.


Kenizé Mourad, Dans la ville d’or et d’argent ( p 471, 482, 483, 484, 485, 486, 487, 488, 489)


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