jeudi 6 août 2015

Dans la ville d’or et d’argent ( extrait 1 du chapitre 30 )




   Le 6 mars, à l’aube, le général, Sir Colin Campbell, lance sur Lucknow un assaut qu’il espère décisif. […]
   Les combats sont féroces. Quand les cipayes ont tiré, ils ne perdent pas de temps à recharger mais lancent leurs fusils contre les Britanniques. […]
   Dès son arrivée au palis de Kaisarbagh, Jail Lal, couvert de poussière et de sang, est reçu par le jeune roi et la Rajmata qui, devant la cour assemblée, lui expriment leur reconnaissance. Tandis qu’à l’extérieur les canons ennemis continuent de tonner, une cérémonie est improvisée au cours de laquelle Birjis Qadar remet en grande pompe au rajah un splendide khilat brodé d’or et de perles. *
   Tard dans la soirée, Jai Lal et Hazrat Mahal se sont retrouvés dans la chambre de Mumtaz qui communique par un étroit couloir avec elle de la bégum.  […]
   C’est une lente cérémonie où tremblants ils se découvrent l’un à l’autre. Devant cet homme qui se livre sans réserve, ce guerrier qui la contemple avec l’innocence et l’émerveillement d’un adolescent, ses réticences et ses peurs s’évanouissent ; elle caresse son corps robuste, se love langoureusement contre lui, pressant ses seins et son ventre contre le sien, s’étonnant de son audace. Mais très vite, elle cesse de se poser des questions, emportée dans un tourbillon où elle ne contrôle plus rien, tête renversée, lèvres offertes, happée par un vent chaud, une mélopée profonde, une lumière intense qui s’infiltre dans tout son corps qu’elle sent grandir, lui échapper, et s’épanouir en un fulgurant éblouissement.
   Chaque nuit, ils se donnent l’un à l’autre passionnément, chaque nuit ils savent que c’est peut être la dernière.
  
Kenizé Mourad, Dans la ville d’or et d’argent


     *Les décorations n’existaient pas. Le souverain donnait des robes de cour ou des étoles d’une richesse inouie.

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